CECI n'est pas EXECUTE Mondes américains : Un ingénieur, des ingénieurs : expansion ou fragmentation ? Nouveaux regards et approches comparées

Actualité | Appels à contributions

Un ingénieur, des ingénieurs : expansion ou fragmentation ? Nouveaux regards et approches comparées

Appel à communication - Colloque international

Jeudi 6 et vendredi 7 octobre 2011

Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales

105 Boulevard Raspail, 75006 Paris

Il y a trente ans se déroulait le désormais célèbre colloque de l'Ecomusée du Creusot, consacré à « l'ingénieur dans la société française ». La publication de ses actes a permis à l'époque de créer, par un premier rapprochement de travaux épars, les conditions d’un débat scientifique à la hauteur des enjeux que traversait le groupe professionnel, notamment celui de sa dilution dans la catégorie des « cadres ». Ironiquement, c'est cette même catégorie qui semble avoir repris le dessus dans le choix des objets d'études, expliquant par là une certaine désaffection des sciences sociales sur l'étude des ingénieurs. Les rares recherches menées depuis sur le sujet montrent que de nombreuses questions demeurent vivaces.

L'actualité elle-même interroge le chercheur : le groupe professionnel s'est transformé au point de remettre en cause son unité face à l'hétérogénéité des pratiques, des marchés du travail, des fonctions, des catégories sociales voire des formations qui la définissent. Cet apparent morcellement est-il si prégnant qu’il en a l’air et est-il si actuel ? Engendre-t-il des conséquences sur le positionnement du groupe dans le système des professions ? Doit-on voir cette ramification en cours comme une colonisation de nouvelles contrées dans la division du travail, ou comme un éclatement de la profession? Ou peut-on imaginer que le groupe parvienne à conserver son unité tout en se segmentant ? Quelles approches faut-il alors mobiliser pour saisir ces deux mouvements apparemment contradictoires ?

Organisé autour de quatre grands axes de réflexions, le colloque aura pour ambition de réunir de nouvelles contributions à l'étude des ingénieurs, dans le passé ou le présent, afin de replacer la focale sur ce groupe professionnel. Le comité de sélection portera une attention particulière aux propositions élargissant la problématique à l'international, notamment aux sociétés non-occidentales encore insuffisamment étudiées ainsi qu'aux travaux de jeunes chercheurs susceptibles de soulever de nouveaux questionnements. En outre, comme l'ont montré les principaux travaux de sciences sociales consacrés aux ingénieurs français, la prise en compte de la genèse et du développement historique du groupe constitue une démarche fructueuse pour comprendre ses dynamiques actuelles.

Ce colloque valorisera donc les réflexions consacrées à l'historiographie de l'ingénieur ainsi que les 2 approches qui éclairent de nouvelles dimensions de l'histoire du groupe, par l'étude de périodes particulières ou de mouvements qui ont marqué la profession.

Axe 1 : Formes d'organisation de la profession

A travers les différents pays, le groupe des ingénieurs s'est progressivement constitué dans ce qui peut être considéré comme une profession relativement établie, notamment par le développement de formations, d'associations ou d'institutions propres à faire reconnaître leur spécificité tant auprès des pouvoirs publics que de la société en général. Si cette évolution a fait l'objet de nombreuses recherches et peut, grâce à des développements récents, être envisagée dans une perspective transnationale, de nombreux points aveugles demeurent, et des périodes entières restent mal connues, notamment l'après seconde guerre mondiale.

Cet axe offre également l'occasion de réinterroger la structuration de la profession d'ingénieur au prisme de son évolution, tant du point de vue de ses logiques institutionnelles que de son développement international. La remise en cause de l'unité de la profession au moment où celle-ci a atteint son niveau d'institutionnalisation le plus fort semble contredire l'idée même de « professionnalisation ». Ainsi, en profitant de l'apport de recherches sur des contextes nationaux différents, cet axe tentera tout particulièrement de raisonner sur la pertinence de l'image classique de la profession comme un corps unifié autour de pratiques technico-scientifiques.

Axe 2 : Savoirs et pratiques des ingénieurs au cours du temps

L'essor du groupe professionnel est lié au développement et à la captation par celui-ci d'un ensemble de savoirs spécifiques. Cet ensemble, trop souvent considéré comme un corpus de connaissances technico-scientifiques, repose également sur une mobilisation de savoirs désignés comme « non-techniques », qui semblent avoir gagné en légitimité depuis les années 1990.

Seulement, si leur forme a profondément évolué, la présence de ces enseignements remonte aux origines des formations. Cela soulève des questions relatives à l'idée d'une introduction du « non-technique » dans une base historiquement technico-scientifique, mais aussi sur la pertinence de cette dichotomie dans la mesure où c'est davantage par leur combinaison que ces corpus particuliers ont structuré les pratiques de l'ingénieur.

Ainsi, cet axe s'intéressera aux processus de codification, de normalisation ou de remise en cause des pratiques et des savoirs ingéniériaux dans différents contextes (formation, associations, pratiques professionnelles...). Il sera envisageable d'explorer ces phénomènes en termes de création, d'importation ou d'hybridation de savoirs spécifiques. Une attention toute particulière sera portée sur le développement des pratiques liées à l'Organisation Scientifique du Travail, au management, à l'économie et aux sciences sociales, afin notamment d'en interroger les effets sur la structuration du groupe et leur rôle dans la perpétuation de son unité face à l'éclatement des savoirs de référence.

Cependant, il semble tout aussi important de considérer la persistance des activités relevant de domaines considérés comme plus traditionnels, dont la prise en compte permet de modérer toute interprétation décliniste ou prophétisante des dynamiques professionnelles des ingénieurs.  

Axe 3 : Les relations de l'ingénieur aux systèmes de production

Le titre de l'ouvrage célèbre de Veblen résumait en quelques mots ce que le sens commun a aujourd'hui encore tendance à véhiculer, à savoir le rapport presque consubstantiel entre l'ingénieur et le capitalisme. Cependant, l'importance prise par les ingénieurs au cours du siècle dernier dans des économies non-capitalistes amène à reconsidérer la portée de cette relation, tout en maintenant vive la question des relations entretenues entre l'ingénieur et les systèmes de production. De fait, l'ingénieur, à la fois agent productif et agent en charge de la production, entretient des relations complexes et hétérogènes avec la sphère économique.

Cet axe accueillera donc des travaux portant sur les rapports des ingénieurs aux marchés du travail au cours de leur carrière, et sur leur intégration à des organisations économiques plus vastes (entreprises, corps d'Etat, etc.). Dans ce cadre, un éclairage de la situation professionnelle des ingénieurs à l'aune de la structure du système productif permettra notamment d'appréhender les conséquences du développement du salariat voire de certaines formes, parfois précoces dans le groupe professionnel, de précarité, et d'étudier l'évolution du segment spécifique de la profession ayant investi les activités dirigeantes. Il s'agit notamment de voir au-delà de la littérature professionnelle sur la domination du modèle du « manager » ou de l'« entrepreneur », pour comprendre les formes d'intervention des ingénieurs dans les fonctions dirigeantes. Dans le prolongement de cette réflexion, les contributions pourront également porter sur les liens entretenus avec des groupements économiques constitués, tels que le patronat, et l'influence de ces derniers sur la profession.

Axe 4: Ingénieur et société

Le thème de l'inscription de l'ingénieur dans sa société remonte à la genèse même du groupe. Les différents mouvements qui ont peu à peu structuré la profession ont, à maintes reprises, investi cette question. Cet axe de réflexion aura pour objectif de mettre à jour différentes prises de position sur les rapports de l'ingénieur à la société, et d'élucider leur lien avec les grands courants idéologiques ayant traversé le groupe professionnel au cours de son histoire. Ainsi, il est espéré qu'un retour sur des mouvements tels que le Saint-Simonisme, les Leplaysiens, le Fayolisme ou les porteurs de la doctrine sociale catholique, puisse éclairer à nouveaux frais les discours récents sur la responsabilité sociale, le développement durable ou l'éthique. Dans cette optique, la réflexion sera élargie aux problématiques actuelles d'engagement de l'ingénieur dans la sphère publique, qu'il s'agisse de son engagement militant, associatif, syndical ou bien en termes éthiques.

Modalités de soumission et calendrier

Les propositions de communications ne dépasseront pas les 4000 signes et seront accompagnées d'une présentation de l'auteur (nom, prénom, statut, institution, coordonnées), d'un titre provisoire et d'une liste de mots-clés. Elles devront parvenir à l'adresse suivante avant le lundi 2 mai :

colloque.ingénieur2011@ehess.fr

Les communications pourront être effectuées en français ou en anglais et n'excèderont pas 20 minutes.

Les textes pourront faire l'objet d'une publication. Les réponses seront communiquées aux auteurs courant mai 2011. Les textes retenus seront attendus pour le 1er septembre 2011 afin d'être envoyés aux discutants.

Comité scientifique

Kenneth Bertrams, chargé de recherche FNRS, Université Libre de Bruxelles, Mondes modernes et contemporains (Unité ULB712)

Ana Cardoso de Matos, professeure, Universidade de Evora (Portugal), Departamento de História

Claude Dubar, professeur de sociologie à l'Université Versailles Saint-Quentin, Professions,

Institutions, Temporalités (Printemps, UMR 8085, CNRS/Université de Versailles Saint-Quentin)

Julia Evetts (Emeritus Professor of Sociology in the School of Sociology and Social Policy of the University of Nottingham)

Claudine Fontanon, Maître de conférences à l’EHESS (Centre Alexandre Koyré UMR 8560)

Charles Gadéa, professeur à l'Université Versailles Saint-Quentin, Professions, Institutions, Temporalités (Printemps, UMR 8085, CNRS/Université de Versailles Saint-Quentin)

André Grelon, directeur de recherche EHESS, Centre Maurice Halbwachs (UMR 8097 CNRS/ENS/EHESS)

Irina Gouzévitch, ingénieur d'étude CNRS, Centre Maurice Halbwachs (UMR 8097 CNRS/ENS/EHESS)

Odile Henry, maître de conférences à l'Université Paris IX Dauphine, IRISSO (UMR 7170 CNRS) et CESSP (UMR 8209 CNRS/Paris 1/EHESS)

Ernst Homburg, professeur d’histoire des sciences et des techniques à l’Université de Maastricht

Catherine Marry, directrice de recherche CNRS, Centre Maurice Halbwachs (UMR 8097 CNRS/ENS/EHESS)

Maria Malatesta, Professore ordinario di Storia Contemporanea, Università di Bologna

Sophie Pochic, chargée de recherche CNRS, Centre Maurice Halbwachs (UMR 8097 CNRS/ENS/EHESS)

François Vatin, professeur de l'Université Paris X, Institutions et Dynamiques Historiques de l'Economie (IDHE, UMR 8533, CNRS/Paris 1/Paris 8/Paris X/Ens Cachan)

Antoine Picon, Professeur d'Histoire de l'Architecture et des Techniques, Harvard Graduate School of Design, Directeur de recherches au LATTS, ENPC, Université de Paris Est

Comité d'organisation

Derouet Antoine, Doctorant EHESS, Centre Maurice Halbwachs (UMR 8097 CNRS/ENS/EHESS)

Frapier Christel, Post-doctorante, Centre d'Histoire Sociale du XXème siècle (UMR 8058 CNRS/Université Paris I)

Paye Simon, Doctorant Sciences-Po, Centre de Sociologie des Organisations (UMR 7116 CNRS/FNSP)

Rubriques à consulter

EHESS
Hypothèse