CECI n'est pas EXECUTE Mondes américains : Luxe et Révolution : marchands et politiques, entre dirigisme et libéralisme

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Luxe et Révolution : marchands et politiques, entre dirigisme et libéralisme

par Natacha Coquery

Ce texte a été composé à l'occasion du Congrès 2010 de l'AFHE. Une version pdf est également disponible.

Version inachevée. Préciser en cas de citation les références suivantes :

Natacha Coquery, université de Nantes, congrès de l’AFHE, 22 octobre 2010

Session 6 : « Consommation et distribution »

Disponible sur http://afhe.ehess.fr/document.php?id=1578

Cet article présente les débuts d’une réflexion sur le devenir du marché du luxe et du demi-luxe sous la Révolution, à travers le profit marchand et la consommation, le projet étant de poursuivre l’investigation jusqu’à l’Empire et la Restauration, soit des années 1790 aux années 1820, d’une cour (royale) à l’autre (impériale). Le but est d’observer les évolutions (adaptations, réactions, résistances, réussites et échecs) du commerce liées aux turbulences révolutionnaires dans le secteur du luxe, un secteur forcément troublé par le nouveau contexte politique, social et économique, et ce, en se plaçant du côté de la distribution, entre production et consommation. C’est essayer de mesurer les transformations et adaptations du marché face aux décisions politiques en matière d’économie mais également, dans l’autre sens, de comprendre comment les acteurs économiques (de l’institution aux individus) ont tenté d’être eux aussi des acteurs de la politique ; c’est, entre autres, étudier les liens entre politique économique, législation et lobbying ; saisir les rapports, complices, conflictuels, entre milieux politiques et économiques, sur une scène qui n’est pas franco-française mais ouverte sur l’Europe et le monde. Bref, c'est éclairer la zone d’ombre qu’est encore, pour la question envisagée, cette période d’entre-deux, les années 1790-1820. Quelles sont, pour les marchands, les conséquences pratiques des nouveaux cadres ? Comment prennent-ils part aux redéfinitions socio-économiques et institutionnelles de la société du temps (prises de position et de pouvoir, effacement…) ? Quels sont les liens, voire les collusions entre affaires et politique ?, les stratégies entrepreneuriales ? La question a une forte dimension spatiale : les nuances, voire les contrastes géographiques (la capitale, les ports, les villes de l’intérieur), les jeux d’échelles (Paris, les provinces, les pays européens, les mondes atlantique, levantin…), les redéfinitions de territoires et de circuits sont à prendre en compte. La capitale fait partie des places qui ont tiré leur épingle du jeu, tant pour l’industrie que le commerce 1.

Pour résumer, quel est l’impact social, économique, culturel de la Révolution et des guerres sur le marché du luxe et du demi-luxe ? C’est rejoindre en partie le débat ancien des conséquences économiques de la Révolution 2. Les boutiquiers ont pour un bon nombre réussi à gérer des passages difficiles mais la question est de comprendre comment, connaissant les spécificités d’un marché fluctuant, mobile, très concurrentiel (sur le plan national et international), source de profit élevé mais fragile car intimement lié à la mode, à l’impératif de la nouveauté et de l’éphémère, à des objets ou des matériaux reconnus comme marqueurs sociaux (soie, bijoux, éléments de décor intérieur…), destinés avant tout à des consommateurs qui font partie des élites sociales, notamment le milieu de la cour. Que devient ce secteur lorsque les consommateurs traditionnels disparaissent ou modifient leur manière de dépenser, quand les échanges sont soumis à de plus en plus d’entraves, voire à un nouvel ordre, quand le cadre institutionnel, pluri-séculaire, dans lequel l’aristocratie marchande s’était aménagée une bonne place, tombe ? Comment s’expriment les reconversions, les contournements, les transgressions ? Mais aussi, la Révolution implique-t-elle suppression du luxe et disparition de la frivolité ? Choisir le secteur du luxe n’est bien sûr pas anodin : la contradiction est flagrante avec les idéaux révolutionnaires, les décisions politiques, le contexte économique (crise des susbsistances, maximum, politique douanière, dépréciation des assignats, etc.) et c’est cette faille même qu’il est intéressant d’explorer. C’est retrouver, d’une nouvelle manière, des questions qui m’ont toujours attirée : la première est celle de la distance entre normes et pratiques, autrement dit la propension des acteurs sociaux à se jouer, dans une certaine mesure, des règlements et des cadres normatifs, à trouver, malgré les difficultés, un espace de liberté pour exister, voire prospérer (dans le cas du marchand). La thématique n’est pas neuve dans l’histoire du commerce : songeons aux travaux d’Anne Montenach sur l’économie de l’ombre à Lyon au XVIIe siècle, de Claire Zalc sur les petits entrepreneurs étrangers de l’entre-deux-guerres, de Paul Sanders sur le marché noir durant l’Occupation ou aux études sur le commerce informel contemporain 1. Le problème a déjà été étudié, sous un angle ou un autre, mais reste à approfondir pour la période révolutionnaire, les questions agraires et le problème crucial des subsistances ou de l’économie de guerre, le devenir des masses populaires urbaines et paysannes ayant davantage attiré les chercheurs 2. Ce qui est intéressant avec un moment tel que la Révolution, c’est que les règles changent, au moins en partie (suppression des jurandes et des communautés de métiers, qui entraîne la disparition de tout l’édifice des règlements de fabrication, oscillations entre liberté des échanges et dirigisme), ce qui provoque une redéfinition des frontières entre économies légale et illégale, donc des pratiques marchandes, et un remodelage des territoires, des lieux et des circuits. L’hégémonie du politique, qui entend régler toute l’économie, monnaie-papier, prix, produits, échanges, lieux… dans une transparence totale, est apparente et les zones d’ombre restent bien présentes si elles se déplacent ; le marché noir et le troc se développent. Il reste à étudier de près l’économie parallèle issue des nouvelles règles, extrêmement contraignantes, mises en place par la Convention en 1793.

La deuxième question est celle du jeu entre ruptures et continuités. D’une cour à l’autre, en dépit des bouleversements et vicissitudes, les marchands de la rue Saint-Honoré et des galeries du palais ou maison Égalité, immuable « palais marchand » restent des acteurs dominants d’un marché du luxe qui continue de marquer la capitale de son empreinte. 1789 implique un bouleversement mais, en ce qui concerne le secteur commercial, le XVIIIe siècle est loin d’avoir été immobile. Certes, le secteur continue, à la fin des années 1780, de baigner dans un milieu traditionnel, modelé par des représentations, des pratiques, des règles, des réseaux, des rapports de force ancestraux. Mais en même temps, le dynamisme est indéniable : emprise urbaine conquérante, rapidité d’adaptation, visibilité croissante, notamment par le recours à la publicité qui s’épanouit dans la presse.

La troisième question est celle des circulations, de la diffusion (des biens, des comportements, des idées). La tourmente révolutionnaire, les périodes de guerre, de pénurie en produits de première nécessité qui provoquent le retour à une économie dirigiste destinée à ravitailler les villes et les troupes, sont des moments a priori peu propices à l’étalement des richesses et des ornements ; la dépréciation des assignats, la taxation (décrets sur le maximum des grains et des farines le 4 septembre 1793, sur le maximum général des prix et des salaires le 29 septembre), les réquisitions et la fermeture des frontières en 1793 (prohibition des marchandises anglaises, etc.) constituent autant de freins aux échanges, qui semblent bridés par les décisions politiques 1. Mais la décennie est pourtant une époque d’intense circulation des capitaux et des biens (vente des biens nationaux, ventes après émigration ou guillotine), avec une activité frénétique des salles de ventes où s’enrichissent marchands et acquéreurs. Restrictions et opulence, marché contraint et échanges débridés coexistent (à une tout autre époque, dans un tout autre contexte, les salles de ventes sous l’Occupation ont connu un très fort dynamisme, qui reposait notamment sur les biens juifs volés). Les périodes de guerre, d’inflation monétaire sont propices aux spéculations (sur les biens nationaux, sur les fournitures aux armées), qui suscitent des faillites mais aussi la réussite d'anciens ou nouveaux riches. On sait par ailleurs que l’austérité même peut être luxueuse (les Régents de la République hollandaise en offrent un bel exemple). On peut encore choisir un autre point de vue – la quantité plutôt que la qualité – et insister sur les effets démultiplicateurs de la Révolution sur la consommation, à travers la vulgarisation d’une mode plus simple, moins sophistiquée, naturelle, accessible à des catégories sociales jusqu’alors peu ou moins touchées, même si le goût bourgeois est déjà présent dans les publicités de la fin des années 1780.

Les sources pour étudier le petit commerce durant la période révolutionnaire sont multiples : les documents du comité du commerce, du comité des pétitions, de la Commune de Paris, de la juridiction consulaire, les textes réglementaires (Assemblée nationale, Commune de Paris), les discours et écrits politiques et les procès-verbaux des assemblées, les mémoires et les projets, les journaux, guides et récits de voyage. Je partirai ici de la confrontation de deux types de documents : d’une part, deux quotidiens, le Journal de Paris (1777-1840) et les Affiches de Paris (Affiches, annonces et avis divers, ou Journal général de France, 1751-1782 puis 1783-1814 ; se poursuit sous d’autres noms jusqu’au XXe siècle) ; de l’autre, quelques documents à visée normative : rapports de police (AN, F 1c III, extraits des éditions abrégées de Pierre Caron et Alphonse Aulard 2), décrets et arrêtés. La publicité s’est développée dans la presse au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, notamment dans les Affiches, feuilles locales consacrées pour une bonne part aux affaires et au commerce, bien connues grâce aux travaux de Gilles Feyel 3. Dans les années 1790, les rubriques de la feuille parisienne restent identiques 1. Le Journal de Paris n’a pas une rubrique quotidienne d’« Annonces particulières » comme les Affiches (suite de publicités, auxquelles s’ajoutent celles du Supplément, voire des Additions) ; les « Avis » concernant les marchands, peu nombreux, sont rassemblées dans un Supplément (à la fin de chaque numéro en 1790, de chaque mois en 1791 ; irrégulier en 1792, il disparaît quasiment en 1794 et 1795). J’ai choisi à dessein, dans cette première ébauche, une période courte, les années 1790-1795 (Journal de Paris), en ciblant les années les plus difficiles 2 : 1792, 1793, 1794 pour observer si se manifestait, en dépit des rigueurs du temps, le marché du luxe ou de demi-luxe (hors marché immobilier, qui demande une étude particulière) et pour déceler d’éventuelles transformations des échanges. Vu la longueur des Affiches de Paris (777 pages pour juillet 1790, 444 pour juillet 1793, 496 pour germinal an II (mi-mars mi-avril 1794), contre 812 pour l’année 1755), j’ai étudié les dix premiers numéros de juillet 1793 et de germinal 1794, en les comparant à ceux de juillet 1790 et aux almanachs des années 1770-1780 3.

Ce qui frappe dans les deux journaux, de manière beaucoup plus affirmée dans les Affiches, uniquement constitué d’annonces, c’est la vitalité du marché du luxe. On la saisit grâce à la rubrique quotidienne « Annonces particulières » (suite de publicités) mais aussi grâce à celle des « ventes de meubles et effets » : il s’agit de ventes après décès ordinaires mais aussi, surtout dans les numéros de germinal an II, de ventes après émigration (Bourbon Condé, Conti, Montmorency, Latour Maubourg…) ou de biens dépendant de la succession de condamnés à mort (Bourbon d’Orléans, princesse Lamballe, assassinée le 3 septembre 1792, etc.)  4, d’où la somptuosité des objets (voir en annexe la « Vente de Meubles et Effets provenant de la succession de la ci-devant Princesse Lamballe, à Passy »). Les produits de luxe continuent de circuler :

Le citoyen Velloni, ci-dev. Maison de Marigny, rue Thomas-du-Museum […] ouvrira […] son nouveau Magasin au Jardin de l’Egalité, galerie de pierre […] on y trouvera journellement des assortimens complets de Glaces formées, et du Chocolat en tasse et à la livre. (Affiches de Paris, « Additions », « Annonces particulières », 7 germinal an II)

Vente […] d’une partie consid. de PORCELAINES neuves et de choix, de la Manufacture nationale de Sève […] Rue S. Honoré […] maison de Daguerre et Lignereux (Affiches de Paris, « Ventes de meubles et effets », 2 juillet 1793)

Jolis chapeaux de femme des plus à la mode, garnis de leurs plumes et de leurs rubans. A vendre […] à très-bon compte, à raison de 30 liv. la piece, au lieu de 50. […] chez le sr Fleury (Affiches de Paris, « Supplément », « Ventes de meubles et effets », 4 fructidor an II)

On retrouve dans les annonces publicitaires le langage habituel, utilisé à foison dans les almanachs de commerce des années 1770-1780 : superfin, très-beau, de la meilleure qualité, les plus parfaites, à la mode, du dernier goût, modernes, nouvelles, à l’anglaise ou anglais ; sont vantés les mêmes tissus de qualité : soieries, mousselines, moire, etc., de Louviers, Elbeuf, Sedan… et les mêmes origines exotiques attirantes : des Indes, de Chine, de Turquie. Les mêmes lieux clés sont cités : la rue Saint-Honoré, le Palais (ou maison) Égalité et ses galeries, la rue Saint-Denis… Il y a néanmoins des changements indéniables avec la promotion de certains aspects de la distribution qui existaient déjà dans les années 1780 mais dont le développement est favorisé par les nouvelles conditions politiques et économiques (ventes des biens nationaux, libéralisation du marché avec la suppression du système corporatif, etc.) : les ventes aux enchères, le marché de l’occasion et la redéfinition des prix et des manières de payer. Entre juillet 1793 et germinal an II, en un peu moins d’une année, la croissance des échanges peut se lire, en partie, dans le vocabulaire : en 1793, les termes entrepôt, salle de vente, encan, bureau de confiance, marchandises d’occasion sont rares ou absents ; en 1794, ils sont beaucoup plus présents. Dans la floraison des lieux de ventes, il convient de distinguer ceux qui sont rattachés à une administration de ceux qui dépendent de marchands ou d’autres intermédiaires particuliers.

1) Les ventes aux enchères, ou le boom du marché du luxe suscité par l’émigration : quels lieux ?, quels réseaux ?, quels responsables ?

La vente aux enchères est un moyen d’échanges formalisé qui remonte à l’Antiquité ; butins, prisonniers de guerre, biens mobiliers et immobiliers, objets précieux étaient ainsi offerts aux amateurs mis en concurrence. Le droit romain, qui a largement inspiré le droit français, imposait plusieurs formalités : la salle de ventes, l’organisation sous la responsabilité d’officiers publics (sous l’ancien régime, les commissaires-priseurs), l’obligation de publicité (sous forme d’affiches et d’annonces verbales par un crieur), la rédaction d’un cahier des charges, qui énumère les biens et la mise à prix. Sous la Révolution, l’élan donné par la mise sur le marché des biens nationaux entraîne, en même temps que la croissance des ventes, à la fois une professionnalisation (intervention grandissante des experts et entrée en scène de nouveaux acteurs, huissiers, notaires, greffiers), une démocratisation, les enchères ayant longtemps été l’apanage des grands (avènement d’un public de plus en plus connaisseur et spécialisé, où se mêlent voire se confondent marchands et acquéreurs particulieurs, d’où l’essor, au XIXe siècle, des marchands de biens) et un changement du marché des ventes aux enchères (part croissante des biens immobiliers (terrains et bâtiments ruraux et urbains)). Toutefois, si la Révolution a provoqué des changements importants suite à la pression inédite du nombre de biens mis sur le marché, elle n’a pas pour autant tout inventé : dans la seconde moitié du siècle, surtout dans les années 1760-1780, l’ouverture de lieux consacrés aux ventes publiques, l’affirmation d’un « espace public du goût » (Charlotte Guichard), l’importance nouvelle de la figure de l’amateur signalent le développement de la commercialisation des arts : hôtels d’Aligre, de Louvois, de Bullion, de Lubert 1… Le phénomène est également lié aux réorganisations de l’administration financière qui marquent les périodes pré-révolutionnaire et révolutionnaire : par l’édit du 17 juin 1771, Louis XV avait créé le corps des conservateurs des hypothèques puis, par lettres patentes du 7 juillet, la régie des droits d’hypothèques (une première tentative de législation des hypothèques avait été engagée par Colbert, avec l’édit du 21 mars 1673) 2. Pour installer la nouvelle régie des hypothèques, l’administration des finances loue en 1771 une partie de l’hôtel de Bullion, rue Plâtrière ; le bail est renouvelé et autorisé par arrêt du conseil le 25 août 1776 3. En 1791, la Ferme et la Régie générale sont liquidées ; les bureaux de l’administration des hypothèques sont transférés pour être regroupés avec les services installés à l’hôtel de Choiseul (hôtel de la Régie générale), sous le nom « régie nationale des droits d’enregistrement, de timbre, des hypothèques et des domaines » (circulaire du 23 janvier 1792) 4.

Dans les Affiches de 1793 et/ou de 1794, deux principaux lieux de ventes aux enchères institutionnels sont cités : la maison Bullion (rue Jean-Jacques Rousseau), l’agence nationale (ou Régie nationale) de l’enregistrement et des domaines (rue de Choiseul). Il s’y ajoute le Mont-de-Piété (rue des Blancs-Manteaux) et des lieux dont il reste à saisir le statut exact  : en 1793, l’Encan national (rue Saint-Thomas-du-Louvre), le Bureau des biens à vendre (rue Sainte-Avoie), le Bureau central de correspondance et d’indication pour les biens à vendre, les placements et les emprunts (rue Garancière), l’Administration (rue des Deux-Portes-Saint-Sauveur), en 1794, le Bureau d’agence universelle d’affaires (rue Croix-des-Petits-Champs), le Bureau d’agence et de correspondance nationale (rue Montmartre), les salles de ventes de la maison Egalité, etc. Parmi ces lieux, les hôtels de Choiseul et de Bullion, anciens hôtels aristocratiques reconvertis en bâtiments de rapport (bureaux et /ou appartements), sont connus. Depuis les années 1780, les six grandes salles du rez-de-chaussée de l’hôtel de Bullion accueillent des concerts et des ventes aux enchères publiques de meubles, bijoux, livres et tableaux (le reste est loué à des particuliers). L’ex-hôtel de la Régie générale, fructueuse opération immobilière montée par le comte de Choiseul-Gouffier entre 1777 et 1782 sur ses terrains, fut loué puis vendu au roi en 1786 1. Les autres bureaux, parfois éphémères, restent à découvrir. Ils sont dirigés par des Administrateurs, dont le nom n’est pas toujours révélé, signe d’une discrétion tangible, en dépit de l’affichage par voie de presse. Seuls deux sont nommés, en 1794 : Degesne et Berrier se disent hommes de loi. Les autres sont inconnus.

Maison de Confiance, rue Thomas-du-Museum, VENTE, auj. 7, dem. 8 et le 9 […] de très-belles Toiles blanches, superfines, Mousselines unies, rayées et brodées, Soyeries […] Toiles d’Orange, Indiennes, Bas de soye, Bas de coton, Cravates de soie, Fichus imprimés[…] très-beaux Meubles en lampasse, de diverses couleurs[…] Lanternes dorées d’or moulu, Secrétaires, Commodes, Consoles […] Montres d’or, d’argent et autres Bijoux ; Café, Eau-de-vie […] en l’une des cours de la maison Longueville, Voitures […] Cabriolets… (Affiches de Paris, « Supplément », « Ventes de meubles et effets », 7 germinal an II)

Les questions essentielles sont de saisir le rôle de ces agences dans la diffusion des biens, notamment ceux des émigrés ou condamnés, le partage entre bureaux institutionnels et particuliers (le partage pose le problème du lien entre licite et illicite, entre économie dirigée et liberté commerciale et des réseaux : comment les administrateurs ont-ils obtenu les biens offerts ?), le contraste entre la vitalité de ces ventes, le contexte socio-politique et les difficultés économiques du temps (loi du maximum, dépréciation de l’assignat, etc.). Je prendrai juste un indice de l’ambiguïté de ces échanges : la réprobation, la suspicion des commissaires de police à l’égard des salles dirigées par des particuliers. Sur le Bureau d’agence universelle d’affaires cité plus haut, tenue par Degesne, un commissaire rapporte, le 6 janvier 1793 :

Le citoyen Degesne rue Croix-des-Petits-Champs, n° 38 et 55, tient un bureau d’agence. On présume qu’il a eu des relations avec plusieurs émigrés, qu’il a singulièrement protégés […] Il serait peut-être à propos de voir ses registres 2.

En période de pénurie et de maximum, les ventes à l’encan sont assimilées à du vol. L’ancien Palais-Royal, où sont toujours présents cafés et boutiques de luxe, où s’étalent toujours les richesses, est particulièrement montré du doigt.

On se plaint des ventes à l’encan, où toutes les marchandises sont portées à un prix exorbitant. Les marchands domiciliés profitent même de cette occasion pour contrevenir à la loi du maximum. (rapport du 18 août 1794)

Les salles d’encan ne présentent qu’un refuge à l’agiotage et aux vols. Les marchandises y sont vendues jusqu’à 6, 8 et 10 fois, jusqu’à ce qu’enfin l’on trouve une dupe qui y mette le prix que se proposent ces hommes plus à craindre que les voleurs des grands chemins. (rapport du 6 septembre 1794)

On se plaint des abus qui règnent dans les maisons d’encan et ventes publiques, surtout à la maison Egalité. On demande une loi pour les réprimer… (rapport du 23 septembre 1794)

Les ventes publiques ne cessent d’offrir un appas considérable aux agioteurs ; elles se multiplient à l’infini sur les boulevards, dans tous les quartiers et surtout dans les environs de la Maison Egalité. Ils attirent les acquéreurs par des enchérisseurs supposés et profitent de la nuit pour cacher les défauts de leur marchandises et mieux tromper les citoyens qu’ils ont su amener dans leurs filets. Ces ventes sont le rendez vous des filous de Paris… (idem)

La distinction entre salles d’enchères, ventes particulières, dépôts de grossistes ou de manufactures et boutiques n’est pas toujours claire dans les annonces ; le flou est volontairement entretenu sur le statut des lieux de ventes.

2) La visibilité nouvelle mais ambiguë du marché de l’occasion : dépôts et magasins de confiance

De nombreuses annonces (la plupart dans la rubrique « Annonces particulières ») mettent en avant la vente de marchandises d’occasion. Elles font surgir une diversité inédite de lieux de vente, des boutiques, bien sûr, mais aussi des dépôts et salles de ventes : Encan et dépôt public et de confiance (rue de Bondy, spécialisé dans la vente de chevaux et de voitures), Entrepôt de marchandises d’occasion (rue des Petits-Pères), maison Egalité, entrepôt des marchandises d’occasion à prix fixe (rue neuve-des-Petits-Champs), Bureau de confiance (rue de la Michodière),  Magasin de confiance : « A la renommée du bon Marché, rue de la Loi, ci-devant Richelieu, […] grand Magasin de Confiance à prix fixe de toutes sortes de Marchandises d’occasion ». Quelques-uns n’ont pas de nom : « Marchandises à bon marché, à vendre en gros ou en détail, rue Saint-André-des-Arts ». Un bon nombre de dépôts sont invisibles de la rue car situés en fond de cour ou au premier étage : « S’adresser au Magasin de Draperie d’occasion, rue Bourg-l’Abbé, n°51, au fond de la cour au premier ». Pas de nom, absence de visibilité mais annonces par voie de presse : le procédé a de quoi poser question.

L’idée du dépôt-vente est relativement ancienne ; son apparition, dans le premier tiers du XVIIe siècle, est liée à celle des feuilles d’annonces ou bureaux d’adresse 1. Ce mode de distribution a longtemps été contrecarré par les six corps, jusqu’à la création en 1722 du Magasin général. Fondé par un mercier joaillier et deux banquiers, avec un privilège de 20 ans, l’entrepôt-vente, installé à l’hôtel Jabach, est dédié aux objets décoratifs de luxe 2. Il est cité par les almanachs de commerce jusqu’à la fin des années 1780. À cette époque, les dépôts-ventes se sont multipliés ; ils sont indissociables de l’essor du marché du luxe : dans Le Voyageur à Paris (89), Thiéry en cite une demi-douzaine. Les annonces du Journal de Paris et des Affiches de Paris, en faveur des mêmes établissements, témoignent de l’élargissement de ce type de distribution.

La Société qui tient l’Entrepôt de Marchandises d’occasion à 30 pour 0/0 au-dessous du prix de fabrique […] rue et passage des petits Pères, prévient ses Concitoyens qu’elle a reçu plusieurs parties de Draperies […] depuis 25 jusqu’à 30 liv. […] et une infinité d’autres articles… (Affiches de Paris, « Annonces particulières », 2 juillet 1793, et Journal de Paris, 6 août 1792)

A la bonne Foi, rue des Poulies, […] il vient de s’ouvrir un Entrepôt de Marchandises d’occasion a 30 pour 100 au-dessous du prix de fabrique, consistant en Draperies […] en très-grand assortiment et dans les couleurs les plus nouvelles […] très-joli assortiment de Gilets… (Affiches de Paris, « Annonces particulières », 4 juillet 1793)

On trouvera, rue de Seine, n°42, ci-dev. hôtel de la Rochefoucauld, un assortiment de Marchandises d’occasion, comme DRAP de Sedan […] , Gilets de soie imprimés […] Boutons de composition pour gilets, autres idem pour uniforme à la République […] Tabatieres à la Républicaine, des plus à la mode […] les Marchandises […] seront vendues à un tiers au dessous de fabrique… (Affiches de Paris, « Annonces particulières », 9 juillet 1793)

au 1er au Dépôt de marchandises d'occasion […] On trouvera audit Dépôt un Magasin de Meubles et Effets de nouveauté dans tous les genres […] le tout en bon état et à 40 p. 100 au-dessous du cours… (Journal de Paris, 29 juillet 1792)

Des boutiques se sont aussi emparées de l’occasion. Le discours sur les rabais n’était ni si présent ni si clair, dans les années 1780 ; à l’évidence, il ne faisait pas partie, comme en 1790-1794, des arguments de vente.

Il a un assortiment de Taffetas […] qu'il établira bien au-dessous du cours […] il a une infinité d'articles, qu’il vendra à 20 p. 100 au-dessous du prix de fabrique. (Journal de Paris, Versepuy, À la Providence, 2 juillet 1792 ; le marchand a inséré des réclames analogues en 1790 et 1791)

Un tailleur propose une réduction quand son client apporte lui-même le tissu, ne faisant payer que le prix de la façon ; il mentionne les maisons qui vendent aux rabais.

Le Sr Picard n’est point sorcier […] comme il travaille beaucoup, il se contente du plus léger bénéfice sur chaque personne […] les étoffes que les personnes voudront fournir elles-mêmes seront employées avec la plus grande économie […] Le Sr Picard observera qu’il seroit dans le cas de faire une diminution sensible sur ces prix aux personnes qui voudroient se contenter des étoffes qui se vendent aux rabais dans différentes maisons. (Journal de Paris, mai 1791, « Supplément », n°61)

3) « juste prix » et « prix fixe » versus crédit

Dans les années 1790, le prix est lié à l'idée de crise, de difficulté, d'économie : l’insistance sur le juste prix existait dans les années 1780 mais avec une tonalité différente, abstraite si l’on peut dire : dans les annonces, le « juste prix » apparaissait dans l'absolu, comme une sorte de prix moral. Dans les années 1790, le sens est beaucoup plus matériel, rattaché au contexte économique du temps : les marchands veulent signifier par là qu'ils réduisent leurs marges (c'est du moins leur discours). Les références à la crise sont fréquentes : « de la première qualité, chose rare dans la crise où nous sommes" (Picard, juillet 92) ; « Mme Teillard [marchande de modes au Palais-Royal] a la satisfaction de pouvoir établir ces Marchandises bien au-dessous de l’augmentation actuelle" (Journal de Paris, octobre 1792). Dans le Journal de Paris, les prix sont désormais affichés dans le corps même de l’annonce et la mention « prix fixe » devient banale. Une telle précision qui, a priori signifie absence de marchandage, de discussion sur le prix, n’existait pas antérieurement.

Une autre nouveauté, qui reflète la conjoncture (la dépréciation des assignats) et qui est aussi une conséquence du développement des salles de ventes aux enchères (« le tout au comptant » est-il précisé régulièrement) et des dépôts d’occasion, est que les marchands n’hésitent pas à affirmer qu’ils ne font pas crédit. Or le crédit était une pratique normale dans les échanges. Si la valeur de l'argent baisse, faire crédit et baisser les prix devient suicidaire… ; il reste à vérifier si les acheteurs obtempèrent. C'est ce à quoi est confronté le tailleur Picard, qui insert un « Avis » uniquement sur le problème du prix, en juillet 1792.

Le Sr Picard, Md Tailleur, qui, dans le Supplément du Journal de Paris du 28 Octobre dernier, a fait annoncer qu'il fournissoit des habillemens d’hommes à prix fixe, avoit promis qu'il ne suivroit pas à beaucoup près l'augmentation subite qui sombloit se manifester, dans l'espoir que ce ne seroit qu'un effet passager, et que les choses reprendroient insensiblement leur ancien cours ; il n'est personne qui ne sache combien il a été trompé dans son espoir, & avec quelle rapidité les marchandises ont augmenté depuis ce tems. […] il n'augmentera les ouvrages qu'il fournit que le moins qu'il lui sera possible. On trouvera ci après le tarif de ses prix les plus courants : le Sr Picard ne cherchera point à captiver la confiance du Public en lui offrant de lui vendre à 25 liv. ce qui en auroit coûté 30 à 100 lieues de distance. Voici ce qu'il promet, et il le tient ; la grande connoissance qu'il a de son état l'ayant mis à portée d'en bien connoître tous les détails, joint à la grande quantité d'ouvrages qu'il fait, le facilite à pouvoir se contenter du plus léger bénéfice avec chaque personne… (Journal de Paris, « Supplément », n°105)

En réalité, les prix sont élevés, il s'agit bien de produits de luxe. Entre mai 1789 et juillet 1792, voici quelques prix du tailleur Picard : un costume en laine d'Elbeuf passe de 45 à 70 livres, un costume de Louviers, de 63 à 90, un habit complet en laine de Sedan ou Louvier, de 102 à 135, une lévite d'Elbeuf, de 42 à 75… L’échelle de prix proposée par Mme Teillard entre 1790 et 1794 est, pour un manteau en taffetas noir, de 24 à 120 livres en 1791, de 33 à 120 en 1792, de 50 à 200 en 1794 ; une robe en taffetas d'Italie coûte 30 livres en 1791, 66 en 1794 ; une robe « à la turque » en linon, 90 puis 120 ; les robes économiques valent entre 48 et 78 livres en 1791, 54 et 110 en 1792, 50 et 135 en 1794. Peu importent les appellations : la « redingote à la républicaine » augmente de 72 livres en 1791 à 110 en 1794.

4) Un exemple de l’adaptation marchande : le vêtement parlant

Avec la Révolution, le vêtement devient un signe politique 1. Comme les « architectes de la liberté 2 », les boutiquiers réagissent vite et tirent partie des nouvelles opportunités. En voici, rapidement, deux exemples : l’égalité ou l’uniformité, le nouveau lexique vestimentaire.

L'annonce d’un rubannier montre l’adaptation du boutiquier à la politique, notamment ce désir de transparence vestimentaire, d'égalité et de reconnaissance, signe d'unanimité, d'adhésion aux nouveaux idéaux. Les nouvelles règles (liberté, égalité) assimilent les vêtements à l'adhésion populaire.

Avis aux citoyens patriotes. Chaque Citoyen porte le Ruban, le Médaillon ou autre figure adopté par un District, ou qu'il a adopté lui-même. Les nuances des Rubans et les formes des Médaillons sont différentes. Cette diversité peut être un aliment pour la discorde. On propose un Médaillon qui sera univoque, uniforme, facile à reconnoître comme à appercevoir. Ce Médaillon représente la Liberté […] Ce Médaillon étant destiné à être porté dans tout le Royaume, les personnes de province qui en désireront, sont priées d'affranchir les lettres… [il vaut de 36 s. à 12 l.] (Journal de Paris, Fréval, 19 février 1790)

Un autre exemple d'adaptation des boutiquiers se lit à travers le seul discours publicitaire plutôt qu'à travers les changements de vêtements. Ceux-ci sont renommés (même si les formes ne changent pas) selon un vocabulaire adéquat. Une marchande de modes du Palais-Royal incarne bien l’aisance de certains marchands à se mouler dans les nouvelles règles. Mme Teillard a passé cinq annonces dans le Journal de Paris (mars 1790, mars 1791, octobre 1792, mars puis septembre 1794). Elle modifie le début de sa facture : « la Citoyenne Lisfrand, jadis Teillard, […] a l’honneur de prévenir les Citoyennes [les Dames]… ». Elle renomme les vêtements : les « robes et jupes à la souveraine », « ceintures brodées à la reine», « robes de fantaisie à Mme Première », « robes à la royale française », « à l’infante » deviennent « à la carmagnole », « à la républicaine ». Les annonces prônent les nouvelles vertus de la simplicité et de la commodité : les « robes économiques » (« composent à volonté, dans le même moment, trois sortes de vêtements, parure, demi-parure et négligé ajusté »), « à la modeste », « à la laitière » (« cette robe, simple, est facile à porter »), « à la paresseuse » (« se vêtit en un moment »). La marchande joue sur l'air du temps mais c'est aussi un appel à de nouvelles consommatrices : les termes ciblent un nouveau public.

Conclusion : le marché du luxe, révélateur des ambiguïtés révolutionnaires

Annexe : « Vente de Meubles et Effets provenant de la succession de la ci-devant Princesse Lamballe, à Passy », 2 germinal an II, n°445bis, p. 6765.

…tres-grand nombre de Meubles, tels que glaces du plus haut prix et autres, lits de tous genres, courte-pointes en soie et autres étoffes, rideaux brodés et simples, en toutes sortes d’étoffes, Sophas, Sultanes, lits de repos, commodes, fauteuils, bergeres, canapes, chaises, secretaires, tables de jeux, pendules, horloges, […] tapis de pieds, tentures d’appartemens et généralement toutes sortes de meubles en tres-grande quantité, la plus grande partie très-frais et du plus haut goût ; l’autre partie simple, mais bonne. Plusieurs vases et figures de décore, tant en jaspe, porphire, porcelaine, qu’autres matières rares et précieuses ; d’autres plus communes ; feux garnis, dorés et unis, flambeaux de cuivre argentés, dorés et autres ; tableaux, gravures, linge de table de toute espece, draps, linge de cuisine, effets de cuisine, tels que tables, billots, tournebroche, broches, fontaines, chenets, etc. Un tour à pâte ; effets et ustensiles d’office, tels que tables, tablettes, moulins à café, terrines de gres, etc. porcelaines, verres, etc. etc. effets d’échansonnerie, consistant en une très-grande quantité de porcelaines, tels que soupieres, saladiers, compotiers, seaux, sucriers, assiettes, plateaux, tasses, etc. caraffes en verre, etc. Billard garni ; poêles, tables de marbre, 35 grands orangers dans leurs caisses ; ustensiles de jardinage, vases, dés à vases, cloches, chassis de caisses, pots à fleurs, ustensiles et meubles d’écurie, une charrette, tombereau, brouettes, etc. Vins 3856 bouteilles de vins de dessert de differentes especes […] Lesdites ventes se feront au comptant, au plus offrant et dernier enchérisseur…

Addenda

La Révolution a provoqué le développement de nouveaux marchés, notés ici pour mémoire puisqu’ils n’appartiennent pas à la sphère du luxe : les uniformes et les réquisitions.

a) Le développement des uniformes

La Révolution a entraîné le développement des uniformes qui, certes, existaient auparavant mais la pratique concerne désormais tant les civils, militaires que religieux. Il existe plusieurs lois sur la question : l'écharpe tricolore pour les maires (20 mai 1790), le costume noir et le chapeau pour les juges (février 1790 et septembre 1791), les fonctionnaires publics (juillet 1792), le clergé (Constitution civile, jusqu’en 1792) et les militaires bien sûr : garde nationale, garde parisienne, etc.

Picard le tailleur : « il fournit les manteaux pour MM. les Juges des Tribunaux, soit de la Capitale ou des autres Dépts […] il fera aussi parvenir les médailles et rubans… »

Les uniformes deviennent une mode et sont portés par de plus en plus de personnes, hommes et femmes ; c’est une nouvelle part d'un marché que les boutiquiers investissent rapidement, tel le boutonnier Sanche : les boutons, devenus dans les années 1780 un accessoire essentiel des costumes masculins (voir le gilet, N. Pellegrin, les vêtements de la Liberté) : « a l'honneur d'annoncer au Public qu'il trouvera […] toute espèce de Boutons d'uniforme, tant de Gardes nationales que de Troupes réglées ; tels que Boutons, dorure angloise ; argent doublé […] Il a fabriqué, d'après différentes demandes, des Boutons dorés d'une pièce de l'uniforme de Paris, qui réunissent à la solidité la beauté de l'exécution… » et le marchand finit sur une pique traditionnelle contre la production anglaise : des boutons dont la qualité « ne le cède en rien à celle de l'acier d'Angleterre ».

b) Les réquisitions pour les pauvres et pour l'armée

Les réquisitions représentent un secteur important de la production et du commerce : elles concernent le textile, surtout, avec les demandes de draps et toiles, mais aussi les chaussures pour les soldats et les pauvres. Arrêté de 1793 : « Le Corps municipal arrête qu’il met en réquisition tous les draps et toiles qui peuvent servir à l’habillement de nos frères qui partent pour les armées de la Répubique… » Les artisans parisiens sont mis à contribution, sous la direction de l’Agence de l’habillement des troupes de la République puis du Comité de l’habillement. Les produits doivent être de bonne qualité et les échanges sans prévarication : certains boutiquiers vont payer de leur vie leur jeu sur la qualité, tel le drapier Quatremère, grand marchand de la rue St-Denis, très actif dans les années 1780 :

Marc Etienne Quatremer […] convaincu d’être le complice de ces fournisseurs infidèles, en faisant sciemment, et dans le dessein de favoriser le crime, comme arbitre au Tribunal de Commerce,  un rapport partial dont le résultat étoit de faire payer à ces fournisseurs une somme de 50 000 livres environ, lorsqu’ils étoient déjà, du sû de l’Arbitre Quatremer, dénoncés au Comité des Marchés et à la Convention, comme fournisseurs infidèles, a été condamné à la peine de mort.

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