CECI n'est pas EXECUTE Mondes américains : Hélène Ducourant, Du crédit à la consommation à la consommation de crédits. Autonomisation d'une activité économique

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Hélène Ducourant, Du crédit à la consommation à la consommation de crédits. Autonomisation d'une activité économique

Résumé

Longtemps, on n’a « fait crédit » qu’à des gens de confiance, parents, proches, familiers, clients fidèles… au point que les deux mots, crédit, confiance, étaient pratiquement synonymes. Aujourd’hui, à chaque seconde, des organismes spécialisés « de crédit » prêtent à des personnes qui leur sont de parfaits inconnus. Comment est-on passé de pratiques de crédit profondément ancrées dans des relations sociales durables à une activité économique  complètement autonome où des entreprises se partagent un marché du crédit ? Tel est l’objet de cette thèse.

Il faut d’abord expliquer ce processus de « désencastrement », avec sa succession d’inventions économiques et juridiques qui ont permis de passer d’une période où le crédit est assigné à « la vente à crédit », à une période où il est à lui-même sa propre fin : « le crédit pour le crédit » pourrait-on dire, comme on dit « l’art pour l’art ». Les établissements Cetelem et Cofidis, symboles et vecteurs de cette évolution, sont au cœur de l'analyse (Partie 2). Celle-ci s'appuie sur l'exploitation d'archives d'un des principaux établissements de crédit, ainsi que sur 42 entretiens menés avec des cadres supérieurs et dirigeants d'établissements de crédit, actuels ou « historiques », et d'autres acteurs du marché.

L'octroi d'un crédit « désencastré » tel qu'un crédit revolving souscrit par téléphone, a substitué à la confiance, la froide logique du scoring et des modèles économétriques. L'analyse sociologique a-t-elle encore quelque chose à dire à ce sujet ? Les résultats d’observations in situ longues (deux mois) menées dans deux établissements, nous permettent de montrer que les transactions de crédit les plus « désencastrées » reposent encore sur des  ressorts sociaux (Partie 1).

Les ménages, caractérisés par leur niveau socioéconomique, n’ont recours au crédit, ni auprès des mêmes prêteurs, ni sous les mêmes formes (prêts personnels, crédit revolving...) ni aux mêmes conditions. Traditionnellement, le recours au crédit est expliqué en référence à ce qu’il est supposé financer, la consommation. Considérant les crédits comme des produits en eux-mêmes, nous proposons, nous, une sociologie de la consommation de crédits (partie 3). Elle repose sur l’exploitation statistique de l'enquête Patrimoine de l’Insee. Nous évaluons également dans quelle mesure les ménages populaires paient systématiquement plus cher leur  endettement en raison non pas d'une modulation du prix liée au risque que représente chaque emprunteur, mais de la segmentation du marché opérée par des établissements différemment contraints à octroyer des crédits aux ménages « risqués ».

Jury :

Bernard Convert, directeur de recherches, CNRS – Lille 1 (directeur de thèse)
François Cusin, maître de conférences, université Paris - Dauphine
Marnix Dressen, professeur, université Lille 1
Frédéric Lebaron, professeur, université de Picardie Jules Verne (rapporteur)
Florence Weber, professeure, École normale supérieure (rapportrice)

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